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Se rendre remplaçable pour être irremplaçable

Le guide complet pour documenter son poste d’Office Manager


« Ah, Lia, mais qu’est-ce qu’on ferait, sans toi ? »

Longtemps, cette phrase prononcée par un collègue (ou mieux, un supérieur) suffisait à faire ma semaine. Sans moi ? Ce serait le chaos. Maintenant, quand on me dit ça, je me dis que je ne fais peut-être pas bien mon taff.


En tant que jeune Office Manager, j’étais chargée d’effectuer plein de petites tâches nécessaires à la vie de l’entreprise. Régler les factures, renouveler les abonnements, gérer la paie et les relations avec la copro, activer ou désactiver les alarmes… Des tâches souvent invisibles, parfois franchement ingrates. Pas étonnant que je manque de reconnaissance. À défaut d’être saluée pour mes exploits, j’aime me dire que sans moi, la boîte ne pourrait pas tourner. Et c’est vrai.


Mais ce n’est pas une bonne nouvelle. Parce que quand on est la seule à savoir comment les choses fonctionnent, forcément… on doit tout le temps être là. Et ce n’est pas l’envie de me dévouer pour mon job qui manque. Seulement voilà : personne ne peut être éternellement à disposition. J’ai vite compris que si je ne m’autorisais pas de pauses, elles finiront par s’imposer d’elles-mêmes : le burn-out est un danger qui guette tous les OM un peu trop zélés. Surtout lorsque tu dois préparer le moindre jour de vacances en travaillant deux fois plus pendant une semaine…


Et puis, imaginons que tu sois du genre ultra-dévouée, que t’organises ta vie entière autour de ton travail, de façon à ne jamais rater aucune occasion pro (ce que je ne recommande pas, mais passons). Tu n’es quand même pas à l’abri d’un accident ou d’un imprévu qui t’éloigne de ton poste pour un certain temps. Et là : patatatras. L’image de l’OM indispensable et toujours au taquet que t’as entretenue s’effondre. Personne ne comprend ton orga, personne ne sait comment effectuer les tâches urgentes ou récurrentes, tes collègues fourrent le nez dans tes docs sans réussir à s’en servir…


Au début de ma carrière, j’avais l’habitude de cultiver cette image d’OM irremplaçable aux secrets bien gardés. J’aimais être la seule à connaître les solutions à tous les problèmes et intervenir in extremis pour sauver la situation. Mais en coulisse, alors que je semblais tout maîtriser, j’avais toujours peur que quelqu’un mette le nez dans mes affaires et se rende compte que mon chaos organisé n’était finalement pas si organisé que ça…


Avec le temps, ce rôle d’OM irremplaçable a fini par me peser. Et je me suis rendu compte que c’est en me rendant absolument remplaçable que je devenais vraiment irremplaçable pour ma boîte et pour mes employeurs. Voilà comment je m’y suis prise et par où commencer.



Mon poste, clé en main


Le déclic, je l’ai eu quand je me suis rendu compte que mon quotidien consistait à effectuer les tâches les unes après les autres, souvent dans l’urgence, sans que l’ensemble ne devienne jamais plus simple ou moins chronophage. J’ai donc pris le temps de réfléchir à mon poste. Pour moi, l’intérêt de mon métier n’était pas de faire les choses, les unes après les autres, éternellement. Mais bien de mettre en place un vrai système qui automatise l’automatisable et simplifie le simplifiable. J’ai commencé à me voir comme celle qui devait optimiser des processus plutôt que comme une simple exécutrice. Et ça a profondément changé mon rapport à mon travail.


Ça m’a aussi permis de me dissocier de mon poste. Mon objectif était de construire un poste suffisamment processisé et organisé pour que quelqu’un d’autre puisse prendre le relais. C’était cela, ma véritable valeur ajoutée : rédiger une sorte de mode d’emploi de l’Office Management dans mon entreprise, qui puisse servir pendant mon absence. Il fallait absolument que je fasse de mon poste un poste clé-en-main pour pouvoir partir en vacances tranquillement et ne pas m’inquiéter doublement en cas d’arrêt maladie.


Bon, en théorie, très bien. Encore fallait-il mettre ça en pratique. Et je ne savais pas vraiment par où commencer.



LISEZ-MOI


Alors j’ai commencé par le commencement. J’ai ouvert un Doc que j’ai appelé LISEZ-MOI, et j’y ai écrit toutes les informations que j’aurais aimé trouver en prenant mon poste. Un peu du genre : si je devais m’en aller demain, voilà ce qu’il faudrait savoir pour maintenir la barque à flot. Au début, forcément, ce n’était pas très organisé. Je notais les choses au fur et à mesure qu’elles me venaient et en me posant toujours la même question : Qu’est-ce qu’un grand débutant aurait besoin de savoir pour bien accomplir cette mission ? Deux ou trois fois par jour, je me forçais à prendre le temps de réfléchir à tout ce que j’avais fait et à l’expliquer par écrit. Les premiers jours, c’était très chronophage bien sûr, mais pour moi, ça en valait largement la peine. Ça m’a permis de me rendre compte de tout ce que je faisais avec plus de lucidité, même les petites tâches que j’avais l’habitude d’accomplir sur mode automatique. Ça m’a redonné un sacré boost de confiance en moi : non seulement j’avais bien plus de responsabilités que ce que je croyais, mais en plus, certaines de mes tâches étaient vraiment complexes. Rien de tel pour combattre le syndrome de l’imposteur et l’humilité excessive.


Au bout d’une semaine ou deux, j’ai fini par vraiment tenir à ce dialogue imaginaire avec une version débutante de moi-même. J’écrivais et expliquais toutes mes tâches pour les rendre compréhensibles. Ce doc Lisez-moi s’est transformé en sorte de carnet de bord professionnel que je remplissais avec plaisir à la fin de chaque journée. C’est donc un rituel que je recommande fortement lorsqu’on veut commencer à documenter son poste. Plutôt que de se préoccuper de la structure et de l’organisation du doc, je conseille de commencer par privilégier la clarté : bannir le jargon, les sigles, les références internes qu’un newcomer ne pourrait pas comprendre. Se mettre au niveau de son interlocuteur, c’est-à-dire, quelqu’un qui n’a pas toutes les informations qui semblent évidentes après quelques mois à occuper un même poste. Dans le doute, privilégier la clarté.

Sauf que voilà : très vite, ce doc a atteint 20, puis 30 pages. Et donc à ressembler moins à un doc Lisez-moi qu’à un journal intime. Bref, un long doc qui n'intéressait que moi. Je savais que j’avais accumulé une matière précieuse qui prouvait la diversité, la complexité et la pluralité de mes missions. Il ne me restait plus qu’à mettre de l’ordre dans tout ça pour que n’importe qui puisse s’y retrouver.


Tout classer par catégorie


Bon, j’avoue, classer les choses par catégories, c’est un petit plaisir pour la férue d’orga que je suis. Et dans le cas de mon poste d’OM, les catégories se sont vite imposées. Vous le savez : on fait un métier protéiforme où l’on cumule les responsabilités. Comme on travaille généralement pour de petites structures, on est amenés à porter plusieurs casquettes et à effectuer des missions qui auraient été dévolues à des équipes entières dans de plus grosses boîtes. Mes catégories étaient toutes trouvées : une pour chacun de mes rôles. Voilà ce à quoi ressemblait ma toute première liste, mais comme vous le savez, chaque poste d’OM est unique. Cette liste peut varier en fonction de la taille de votre entreprise, de vos responsabilités, etc.

  • Workplace

  • Compta

  • Admin

  • RH

  • Team Buildings & events

  • Culture

  • Déménagement

Le dernier bullet point ne correspond pas à une fonction, mais à ma plus grosse mission de l’année. Certes, le séminaire annuel aurait pu trouver sa place dans la catégorie Workplace. Mais en termes de proportions, cette mission m’occupe bien plus que toutes les autres dans cette catégorie. J’ai donc choisi de lui créer une catégorie spécifique pour me faciliter la tâche. Et après avoir fait ce grand tri, j’y voyais déjà plus clair.



Choisir une plateforme… et s’y tenir !


Sauf que voilà : un doc word, c’est pas forcément le plus user friendly. Et si j’avais déjà mis de l’ordre dans mes 30 pages en copiant-collant toutes les infos sous les catégories correspondantes, je voyais bien qu’il fallait en faire un peu plus pour faciliter la vie de mes lecteurs potentiels. En termes d’organisation de l’info, les solutions disponibles sur le net ne manquent pas : Trello, Asana, Monday ou Notion, n’importe lequel de ces logiciels de project management fait largement l’affaire. Désolée pour ceux qui s’attendaient à un benchmark détaillé, je ne me prononcerai pas.


J’ai quand même deux recommandations importantes. La première : choisir une seule de ces solutions pour documenter son poste et s’y tenir. Il n’y a rien de plus désagréable que de devoir jongler de plateforme en plateforme et il est toujours plus efficace de centraliser l’information.

La deuxième : choisir, si possible, la solution de productivité qui existe déjà dans votre boîte (pour moi, c’était Trello). D’abord, parce que vous aurez accès aux avantages qu’offre un éventuel abonnement business souscrit pour tous les collaborateurs d’une entreprise. Ensuite, parce que vos collègues se sentiront sans doute plus à l’aise pour s’en servir.


Sur Trello, donc, je crée une colonne par catégorie. Dans chaque catégorie, une carte correspondant à chaque process important (je parlerai des process un peu plus bas). Sur Trello, je donne uniquement les informations clé et ajoute un lien vers un paragraphe spécifique de mon document Lisez Moi. Pour ce faire, j’utilise les signets.


Le doc Lisez Moi reste une mine d'informations détaillée de tout ce qu’il y a à savoir sur mon poste. J’y ai ajouté une introduction courte qui explique mon système d’organisation. Je n’hésite pas à y faire référence sur mon board Trello.


D’ailleurs, il me fallait un endroit pour centraliser tous les documents importants, comme ce fameux doc Lisez-Moi. Comme mon entreprise utilisait déjà Google Workspace, j’ai créé un dossier Drive qui s’appelle Office Management et à l’intérieur de celui-ci, des sous-fichiers correspondant à chaque catégorie. J’y ai conservé tous les documents importants : contrats, récépissés, devis et même quelques captures d’écran. Bonus : j’ai activé le lien entre Doc et Trello pour pouvoir attacher les documents aux cartes correspondantes.



Faire la liste des personnes référentes


Bon, pour l’instant, j’ai tout fait comme si un parfait inconnu allait reprendre mon poste du jour au lendemain. Ce postulat m’a forcée à être super claire et exhaustive, et c’est tant mieux. Mais dans la vie réelle, j’ai quand même, au sein de l’entreprise, des relais qui connaissent bien certains aspects de mon travail et qui peuvent intervenir sur leur domaine de référence. Parfois, c’est en fonction de leur poste. Par exemple, un Head Of People est le référent naturel pour le périmètre RH de mon job. Mais il peut aussi s’agir d’affinités particulières qui rendent telle ou telle personne plus apte à reprendre quelques missions. Par exemple, une directrice marketing avec une appétence marquée pour la com interne. J’ai fait le travail d’identifier chacune de ses personnes en interne et ça m’a permis de me rendre compte de plusieurs choses. D’abord, bien que je ne fasse pas partie d’une vraie « équipe », je suis loin d’être seule pour gérer mes respos. Ensuite, chacune de ces personnes est prête à reprendre le relais si je devais m’absenter temporairement. De quoi rendre la préparation de mes vacances bien plus sereine. Enfin, j’ai compris que ces référents seraient là pour épauler mon remplaçant au cas où je devais m’absenter plus longtemps, pour un congé mat par exemple, ou, à terme, pour quitter mon poste. Alors, je me débrouille pour tenir régulièrement au courant ces référents des grands sujets en cours, sans forcément les noyer dans les détails.



Processiser le processisable


Vous connaissez peut-être mon amour des process. En fait, dès que je fais une même tâche plus de deux fois, je me demande si c’est possible de la transformer en process ou de l’automatiser. Pourquoi ? Parce que lorsque les tâches sont divisées en une suite d’étapes claires et précises, elles deviennent plus faciles à effectuer. On enlève la part de doute et d’indécision en suivant la marche à suivre la plus efficace (si on a bien fait les choses). Ça fait gagner du temps et de l’énergie. Ça libère l’esprit. Mieux : ça réduit le risque d’erreurs. Alors, j’ai fait l’exercice de transformer en process toutes mes tâches récurrentes. Quels documents faut-il rassembler avant de s’y mettre ? Que faut-il vérifier ? De quelle information a-t-on besoin ? À quoi faut-il prêter attention ? Quelles sont les principales erreurs à éviter ? J’ai fait des checklists pour tout, de la fermeture des bureaux à la fin de chaque journée au bilan comptable, en passant par l’édition des fiches de paie. Ces checklists se sont retrouvées sur mon board Trello. Ceci dit, je sais aussi qu’il faut éviter de se laisser enfermer dans des process, et garder son esprit critique pour modifier ou updater ceux qui seraient contre-productifs.



Les templates


Les process, c’est très bien… Mais je me suis vite rendu compte que je pouvais aller encore plus loin pour me faciliter la vie et faciliter celle de mes éventuels remplaçants. En fait, en tant qu’OM, on passe son temps à écrire les mêmes messages ou remplir les mêmes documents (et je ne parle pas seulement des rappels Slack pour vider le lave-vaisselle…). Mails de relance ou de recouvrement, documents de commande de fourniture, lettres de résiliations… J’ai profité d’une journée où ma charge de travail était plutôt légère (vive le mois d’août) pour créer une galerie de templates. Il n’y a plus qu’à copier/coller les documents en remplissant les parties modifiables pour les utiliser. Perso j’utilise TextExpander mais il y en a plein !



Ne pas oublier le carnet d’adresses


Je l’ai déjà dit, un Office Manager n’est rien sans son carnet d’adresses. Impossible de bien faire mon job sans avoir à portée de main la liste de tous mes prestas. Le doc de contact avec mes fournisseurs est le plus précieux qui soit. Je ne me contente pas d’écrire leur nom, leur adresse et leur numéro de téléphone. J’ajoute des informations contextuelles sur la relation, les missions en cours, les devis à valider ou les factures à régler. Lorsqu’il faut faire attention (avec un presta qui a l’habitude de ne pas tenir ses délais, par exemple), je le note aussi pour éviter de mauvaises surprises.



Documenter son poste en permanence


Ne croyez surtout pas que vous pourrez documenter votre poste une fois pour toutes. Une fois tout ce travail effectué, et bien, il faut le tenir à jour. Notre poste évolue en permanence avec les transformations de notre entreprise, de la conjoncture du marché, des vagues de départ et des nouvelles arrivées… Dans certaines start-up particulièrement dynamiques, certaines informations risquent de devenir caduques au bout d’un mois ou deux. C’est pour cela qu’il est important de voir ce travail de documentation comme un processus continu, un réflexe quotidien qu’il est important de cultiver. Tout noter, maintenir les documents à jour, rendre compte de ce qui change, supprimer les informations qui ne sont plus pertinentes.

À première vue, tout cela peut sembler chronophage mais c’est le contraire : maintenir cette structure vous permet de gagner un temps fou.



Oups… et les accès ?


Ok, dit comme ça, j’ai vraiment l’air d’une OM super-organisée, qui tient tous ses docs à jours et qui peut s’absenter en cas d’urgence sans laisser ses collègues en plan. C’est seulement en partie vrai, et c’est venu avec le temps. Ma première tentative n’a pas été aussi concluante. Après avoir planché sur ma documentation pendant un mois, j’ai pris une semaine de vacances… Sans me rendre compte que personne n’avait les accès au logiciel de paie. Oups. Alors oui, bien sûr, dans nos vies pros on utilise de plus en plus de plateformes et de logiciels avec des modes d'identification toujours plus complexes, qui nécessitent chacun leurs propres mots de passe, etc… Mais c’est une erreur qui aurait pu être évitée avec un bon gestionnaire de mot de passe comme Dashlane 🇫🇷🐓. Si vous n’avez pas encore investi sur un password manager au niveau de votre entreprise, vous pouvez indexer tous les mots de passe dans un doc sécurisé. Ça vaut même la peine de faire le test en mode Incognito sur votre navigateur internet pour vérifier.



Documenter mon poste a changé mon poste


Lorsque je me suis lancée dans la rédaction de mon doc Lisez-Moi, j’avais pour objectif principal de filer un coup de main à mes collègues en leur permettant de se débrouiller sans moi. J’ai mis mon égo de côté, et renoncé au petit plaisir d’avoir réponse à tout, et résolu de partager l’information. Je ne serais peut-être plus irremplaçable si je mettais tout ce que je savais par écrit, et alors ?

Mais finalement (spoiler alert), c’est moi que ce grand projet de documentation a surtout aidée. Désolée pour le cliché de ce mot de la fin, mais c’est la vérité. En structurant et documentant mon poste, je suis devenue plus rapide, plus efficace, plus organisée. J’ai pris de la hauteur plutôt que d’être sans cesse prisonnière de la routine des tâches à effectuer. J’ai réfléchi à la bonne manière de faire les choses et pris des initiatives pour rendre les process plus efficaces. Et, bonus, j’ai réussi à prendre des vacances sans stresser et sans culpabiliser. Évidemment, ce travail n’est pas passé inaperçu auprès de mes collègues. C’est parce qu’il était facile de me remplacer pendant mes absences que je suis devenue vraiment irremplaçable. Et c’est parce que mes supérieurs savaient exactement quoi faire sans moi qu’ils n’avaient surtout pas envie de se passer de moi.


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