Le 17 octobre dernier, pour l’Office Manager Summit, partenaires et Office Managers ont animé une vingtaine d’ateliers. Des pratiques RH innovantes, à la compta, en passant par la maintenance des locaux, les participants ont pu approfondir toutes les facettes du métier d’OM. Une super occasion de réapprendre les bases ou de se tenir au courant des dernières innovations auprès de spécialistes.
Je sais que tout le monde n’a pas réussi à assister à ces ateliers. Alors, au cours des prochains mois, j’essaierai de revenir sur ceux qui vous ont le plus marqué, en y ajoutant mon petit grain de sel. Histoire de permettre à tous les membres du Club de profiter de ces enseignements précieux. Et de quoi vous faire patienter jusqu’au prochain summit, prévu pour le 4 juin 2024 !
Commençons par l’atelier « Comment refléter les valeurs de l’entreprise au travers de l’environnement de travail ? » animé par Jonathan Lasserre Workplace & Employee Experience Lead chez Sorare, Marie Désert, cofondatrice de Fairspace et Virgile Boutet de Cawatoès.
Cet atelier résume bien ce que j’ai appris sur la question des valeurs d’entreprise au cours de ma carrière d’OM. Si elles sont bien choisies et bien respectées, elles peuvent avoir un véritable impact sur la vie de l’entreprise et sa culture. Mais si on ne fait pas d’effort concret pour les appliquer, elles restent lettre morte. L’environnement de travail est un outil crucial pour les faire vivre. Et nous, en tant qu’OM, on peut jouer un rôle clé sur ces questions-là.
Valeur d’entreprise, que du bullshit ?
Bienveillance d’abord ! Be a team player ! Transparence à toute épreuve ! Customer first !
J’avoue : quand j’ai commencé à bosser dans la tech, j’ai d’abord pensé que les valeurs d’entreprises se résumaient à quelques mots pompeux, souvent empruntés à l’anglais, peints en majuscule sur les murs d’un open space.
Y a-t-il une différence concrète entre une boîte qui prône l’esprit de groupe, et une autre qui met en avant la responsabilité individuelle ? Une entreprise qui valorise l’innovation et une autre qui s’appuie sur un patrimoine historique ?
Moi, j’avais du mal à y croire. J’avais même tendance à penser que toutes ces jolies recommandations qu’on retrouve sur les pages « à propos » des entreprises étaient plus ou moins du bullshit qui permettait aux candidats de montrer qu’ils avaient bien révisé le jour de l’entretien. Alors, autant vous dire que j’étais plutôt dubitative en apprenant qu’une partie de ma responsabilité d’Office Manager était d’incarner ces mêmes valeurs.
Et ce n’est qu’en passant d’une entreprise à une autre (ce que j’ai beaucoup fait les premières années) que j’ai découvert à quel point j’avais tort. D’une entreprise à une autre, donc, il y a de vraies différences d’habitudes, de comportements… bref de « culture ». Et cette culture est influencée en grande partie par les valeurs, si elles sont choisies et incarnées par les dirigeants. Moi, j’ai eu la chance de bosser dans des entreprises où les valeurs étaient bien définies : c’est surtout le cas dans l’environnement tech et start-ups, où j’ai fait mes premiers pas. Cette particularité m’a permis de vite savoir quelles valeurs il me fallait refléter et promouvoir en tant qu’Office Manager. Mais ce n’est pas forcément le cas partout, surtout dans les secteurs plus traditionnels. C’est justement par cela que nos trois intervenants ont choisi de commencer leur atelier : comment faire quand on ne connaît pas les valeurs de son entreprise ?
Une entreprise sans valeur, ça existe ?
Il peut arriver que les fondateurs fassent, dès le début, ce travail d’identification des valeurs. C’est notamment le cas des entrepreneurs sociaux, ou des boîtes qui se lancent dans le secteur de la transition écologique. Les valeurs sont inscrites dans l’ADN de la boîte et elles découlent de son cœur d’activité. Jonathan Lasserre donne l’exemple d’Alan, startup réputée pour avoir mis ses valeurs au cœur de son fonctionnement et pour appliquer à la lettre ses valeurs de transparence, notamment dans les grilles salariales.
Ce n’est pas grave si votre entreprise n’est pas de celles-là, rassurent nos intervenants. Il arrive que les fondateurs se lancent dans un business sans conviction forte autour de la question. Il reste possible, a posteriori, d’entamer un processus d’identification et de formulation des valeurs. Un processus dans lequel nous avons un rôle important à jouer. Pas besoin de recourir à des prestataires extérieurs pour étudier la culture de l’entreprise. Il suffit de mettre tout le monde à contribution. Nous, Office Managers, sommes dans une position idéale pour interroger les différentes équipes. De par notre fonction transversale, nous pouvons faire en sorte d’impliquer tous les collaborateurs et de synthétiser les différents avis. Il nous est aussi possible d’organiser de petits brainstorms jusqu’à ce qu’émergent des valeurs clés. Ces valeurs doivent refléter la manière dont l’entreprise fonctionne. Marie Désert suggère également d’interviewer certains de vos clients, si possible. Quelquefois, les valeurs propres à une entreprise sont plus visibles de l’extérieur : vos clients sauront vous dire quelles qualités ils apprécient le plus chez vos équipes, qu’elles soient bienveillantes, réactives ou curieuses…
Les bureaux annoncent au monde qui vous êtes…
Une fois qu’on sait qui on est, on en fait quoi ? Le risque majeur, avec les valeurs, c’est n’aient aucune incidence sur la manière dont vos équipes travaillent. A contrario, si les valeurs émergent spontanément de vos équipes, le risque est de ne pas savoir s’y adapter et de proposer des aménagements qui entrent en contradiction avec les croyances des collaborateurs. Le bureau doit s’adapter aux gens, et pas l’inverse !
Éviter les dissonances entre valeurs et locaux
L’urgence, donc, c’est d’éviter une trop grande dissonance entre vos valeurs et les locaux où vos collaborateurs doivent se rendre tous les matins pour les mettre en œuvre. Un exemple est donné par les intervenants : imaginons une entreprise qui se vante d’être collaborative et de privilégier les prises de décisions sur un mode horizontal… mais dont les bureaux sont totalement cloisonnés. Bref, il faut veiller à conserver une cohérence entre « les mots et les actes ». Parce que les lieux influencent la manière dont les gens se comportent. Multiplier les coins cosys où les collaborateurs peuvent s’installer entre deux réunions pour discuter, de manière informelle, de leurs problématiques peut encourager l’innovation et la circulation des idées. A contrario, de petits bureaux silencieux aux portes fermées favorise la concentration et minimisent les interruptions.
Lorsque c’est possible, ces considérations peuvent être prises en compte dès le choix des locaux. Si votre entreprise envisage de déménager bientôt et que vous avez votre mot à dire sur le choix des nouveaux bureaux, c’est un point important à faire valoir : qu’est-ce qui incarne le mieux ce que vous êtes ? Un immeuble haussmannien ? Un loft dégagé ? Un étage dans une tour ?
Montrer qui vous êtes aux candidats
Des bureaux qui reflètent bien la culture de l’entreprise, cela permet également de recruter les bons profils, qui sauront s’y adapter. Jonathan Lasserre donne l’exemple de son entreprise, Sorare, qui édite un jeu de simulation sportive. Les collaborateurs de Sorare sont donc plutôt férus de sport… ça tombe bien : au sein des locaux parisiens de l’entreprise, ils ont accès à un mini terrain de foot pour se dégourdir les jambes entre deux réunions. Un argument marque employeur alléchant pour les candidats…
Montrer qui vous êtes à vos clients
Il n’y a pas qu’avec les collaborateurs et les candidats que les bureaux vous permettent de communiquer. L’aménagement de vos locaux peut aussi faire passer d'importants messages à vos clients. Marie Désert donne l’exemple d’une entreprise que Fairspace a récemment accompagnée : une startup qui disrupte le secteur de la finance. L’idée était de refléter l’aspect novateur de cette startup tout en maintenant certains codes plus classiques du secteur afin de ne pas paraître trop iconoclaste (pas de terrain de foot pour eux, donc). C’est une ligne de crête à trouver entre confiance et disruption.
Et les coworkings dans tout ça ?
Et qu’en est-il des entreprises installées dans des coworkings ? Faut-il renoncer à l’idée de personnaliser ses locaux ? C’est tout le contraire ! Les coworkings sont souvent impersonnels et aseptisés, il est donc important de les adapter à qui vous êtes. Dans le domaine, les équipes du coworking peuvent vous aider et elles sont souvent volontaires pour mener à vos côtés les aménagements qui vous permettront de vous sentir chez vous.
… L’environnement, ne se limite pas à la déco des bureaux
Je n’aimerais surtout pas vous laisser croire que tout ça, c’est simplement une question de déco. Des couleurs fluo pour les startups tech, des plantes vertes pour les entreprises de l’économie verte et le tour est joué ? La question de l’environnement de travail est bien plus complexe que ça.
Mettre les cinq sens à contribution
Lorsqu’on pense à l’aménagement du bureau, on pense surtout à un sens : la vue. Et il est effectivement important de prendre soin de tout ce qui peut entrer dans le champ de vision des collaborateurs : privilégier les locaux lumineux, bien choisir les couleurs en donnant la priorité à celles qui stimulent la créativité, comme le bleu et le vert, même si ce ne sont pas les couleurs de votre logo. Surtout, éviter la pollution visuelle, très distrayante.
Il n’y a pas que la vue qui compte : un bureau où il fait bon travailler est agréable pour les cinq sens. Prenons l’ouïe par exemple. Au-delà des considérations évidentes (éviter la pollution sonore) Marie Désert conseille de se pencher sur la question de l'acoustique. Dans certains bureaux très vastes, un « effet cathédrale » peut se créer : un silence qu’on a peur de rompre et qui empêche les gens de parler. Pour contrer cet effet, elle conseille certains bruits de fond, comme des bruits blancs, qui pourraient créer plus de convivialité et encourager à prendre la parole. A contrario, pour préserver la concentration des équipes, il est possible de créer des zones focus où il est interdit de parler et des phone box pour éviter que les rendez-vous téléphoniques des commerciaux, par exemple, distraient le travail des autres.
Le toucher, lui, passe souvent par des petits détails qu’il est facile d’oublier. Mais ils peuvent avoir une influence considérable sur le bien-être des équipes au travail. Des bureaux surchauffés ou trop froids peuvent vite vous déconcentrer. Marie Désert donne aussi l’exemple du choix des matières : là où choisir des bureaux en plastique recyclé peut passer pour une bonne idée, plutôt écolo… il s’avère que les surfaces composées de cette matière peuvent devenir très froides ce qui n’est pas très agréable au toucher.
En ce qui concerne l’odeur et le goût, Virgile Boutet rappelle l’importance du café, son cœur de métier. La plupart des travailleurs de bureau se préparent un café avant de commencer leur journée. Même ceux qui ne boivent pas de café en aiment l’odeur, qu'on associe d’habitude à de bons souvenirs.
Adapter la manière de travailler
L’environnement de travail ne dépend pas seulement de l’aménagement des bureaux. Il est aussi influencé par la manière de travailler. Des locaux trop cloisonnés peuvent créer des sous-cultures : ceux qui ont déjà traversé des bureaux dev après des bureaux marketing le savent bien. Cela peut être dommageable pour la culture d’entreprise dans son ensemble, qui se trouve morcelée. Il est possible d’y remédier en repensant la manière de répartir les équipes dans l’espace : par métier ? par projet ? de manière aléatoire ?
Il est aussi possible de mettre en place le flex office, par exemple à la semaine, pour permettre aux rencontres de se faire par-delà les démarcations de métier. Et si les ingénieurs et les marketeurs avaient, en fait, beaucoup de choses à se dire ?
Réfléchir aux équipes d’abord !
L’atelier, qui porte sur l’aménagement de l’environnement de travail, aboutit à une conclusion qui peut sembler paradoxale : il ne faut pas réfléchir aux bureaux d’abord ! Le risque est réel pour nous, Office Managers : pour peu qu’on soit un peu esthète, on peut se laisser tenter par de super beaux bureaux et chercher à tout prix l’effet « waouh » : des bureaux qui pourraient avoir leur place dans des magazines de déco. C’est oublier un peu trop vite que les bureaux ne sont pas de simples vitrines, mais un lieu de vie et de travail que les collaborateurs doivent être heureux de retrouver, tous les matins.
D’où l’importance de remettre les collaborateurs au centre de la réflexion et de réfléchir à leurs expériences concrètes, à leur sécurité, à leur bien-être et à leur confort. Les conditions de travail sont la priorité.
La pyramide des besoins du collaborateur
Les besoins des collaborateurs en termes d’environnement de travail forment une pyramide dont la base est la sécurité physique et mentale. Les conditions de travail viennent juste après : s’assurer que les chaises soient confortables et les équipements ergonomiques. Les collaborateurs risquent de voir d’un mauvais œil des investissements faits pour repeindre les murs aux couleurs de l’entreprise lorsque les imprimantes n’arrêtent pas de tomber en panne ou que les machines à café produisent du véritable jus de chaussette… Une fois que les conditions de travail sont satisfaisantes, on peut s’intéresser à tout ce qui favorise le mieux-être des collaborateurs et leur fierté d’appartenir à une boîte qui a de beaux locaux à sa disposition.
Les locaux, une question de culture d’entreprise
Le terme « Office » dans notre intitulé de poste est à l’origine d’une confusion très répandue : certains peuvent penser, à tort, que notre métier consiste seulement à entretenir les bureaux. Bien sûr, le « workplace » est une partie importante de notre travail et nous sommes souvent fiers de créer des environnements de travail agréables pour nos collègues. Mais ce qu’on oublie souvent, c’est que la question des locaux va bien au-delà de l’aménagement des bureaux. Il ne suffit pas d’avoir un bon sens de la décoration (même si ça aide !). Il faut, au contraire, bien connaître la culture de son entreprise et les équipes, collectivement et individuellement. Il faut savoir quel type d’environnement est le plus apte à refléter qui ils sont et les aider à mieux faire leur travail. Même pour ceux qui n’oseront jamais nous réclamer un environnement plus confortable !
Cet atelier réussi me rappelle, encore, la subtilité et la richesse de notre métier, qui mêle des éléments humains et logistiques et qui exigent de nous beaucoup d’adaptabilité et d’empathie. Merci encore à Marie, Jonathan et Virgile de l’avoir mené avec succès !
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